L’art du drag mérite d’être reconnu selon ses artistes. Derrière ces représentations de presque deux heures, les performeurs et leurs équipes se plient en quatre pour présenter un véritable spectacle au public. La partie invisible : maquillages, costumes, répétitions et mises en scène, reste en coulisse. Derrière cet univers fascinant au premier abord, la réalité est tout autre.
À un drag show, les spectateurs et spectatrices ne voient que la performance des artistes, lip syncs (mimer les paroles d’une chanson avec les lèvres, ndlr), comédie, danse… Le show n’est que le résultat d’un dur labeur qui succède à tout un processus de création : conception du personnage, maquillage et innombrables répétitions.
Qui se cachent derrière les artistes ?
Différentes catégories composent le monde du drag : les drag-queens, les drag-kings, les drag-queers, les clubs kids… L’artiste derrière une drag-queen, se met dans la peau d’un personnage féminin. Pour le drag-king, les protagonistes ont des traits masculins. Du côté des drag-queers, les performeurs et performeuses mettent en scène à la fois féminité et masculinité. Il peut cependant y avoir quelques exceptions dans le drag.
Par exemple, une femme cisgenre et une personne non-binaire (individu qui se considère ni comme homme ni comme femme, ndlr) peuvent être drag-queen. C’est également le cas pour les drag-kings et drag-queers. Les clubs kids, contrairement aux drag-queens, kings et queers ne performent pas de genre. Ce sont des créatures extravagantes relevant du monde du féérique, fantastique ou même de la monstruosité. Le plus simple est de demander aux artistes leurs pronoms : il, elle, iel…
Plusieurs heures de préparation
Différents drag shows sont organisés, comme ce samedi au Boomerang (bar associatif à Lyon, ndlr) avec le collectif la Cousinade. Charlotte Piechon incarne La Goétie, un personnage avec « une esthétique de présentateur » qu’elle joue depuis cet été. Pour celles et ceux qui ne sauraient pas ce qu’est la goétie, il s’agit d’un art lyrique pour invoquer les démons. Un aspect incarné par le personnage de Charlotte, qui chante en live pendant ses performances.
Pour préparer une représentation, il lui faut une semaine pour le choix de la chanson avec les répétitions des paroles, « en condensé trois jours entiers » pour la mise en scène de la performance. Pour la partie maquillage, Charlotte met entre 1 h 30 et 2 h. Une prompte préparation comparée aux artistes drags qui peuvent mettre plusieurs heures. « Je viens du théâtre, j’ai l’habitude des préparations rapides avant les spectacles », explique Charlotte.
« Le public oublie souvent qu’il y a un humain derrière le personnage »

et Mégapétasse dans leurs esthétiques drag / © Vicky Lalevée


Derrière les personnages extravagants, très peu d’artistes vivent de leur activité drag aujourd’hui, mais le milieu reste assez précaire et les différentes opportunités de shows sont souvent à court terme.
« On est mal payé en tant qu’artistes, confie Luse (Lu Brique sur scène, ndlr). Pour des shows, je suis payé parfois à peine 50 euros, mais j’ai besoin de performer alors je fais des concessions. Je fais du drag depuis huit mois et c’est vrai qu’au début je n’osais pas m’imposer pour ma rémunération. Maintenant avec le temps et les conseils des autres drags, je commence à le faire, ajoute le drag-king. C’est dur aussi psychologiquement, [car] le public oublie souvent qu’il y a un humain derrière le personnage, ajoute-t-il. Le public nous prend parfois pour des potes et se permet de nous toucher. »
Découvrez la suite de notre échange avec Luse ci-dessous.
« Le drag-king, c’est politique »
Jakob the King, drag-king parisien, partage le même avis que Luse. « On manque de reconnaissance en tant que drag-kings et il y a beaucoup de problèmes liés à notre accueil. » Sur la question de faire du drag un métier, Jakob the King est partagé. « Les personnes qui veulent vivre du drag pourraient avoir des cachets, mais il y a une partie néfaste. Le drag-king, c’est politique. On est libres de faire ce qu’on veut, mais il y a un risque que les performances soient moins diversifiées, voire censurées… Mon rêve, c’est qu’on crée nos propres lieux avec nos propres règles. »
Si le drag reste un milieu précaire aujourd’hui, la donne pourrait peut-être changer avec une émission. En 2022, le monde du drag français a eu sa toute première édition : Drag Race. Lors des confessions face caméra et des défilés, les drag-queens ont évoqué des sujets sensibles : transidentité, VIH, homophobie, difficultés de professionnalisation.
Drag Race France a rencontré un vif succès avec plus de sept millions de téléspectateurs. Plusieurs dates ont dû être ajoutées au tour de France des drag-queens de la saison, mettant encore plus en lumière le drag français. Cela permettra peut-être de bientôt faire du drag un métier reconnu aux yeux de tous et toutes.
Lu Brique est membre du bureau des Maxiqueers, un collectif et aussi une association queer militante. Les artistes organisent un derby drag le 18 janvier à la Commune (restaurant à Lyon, ndlr), une compétition entre des drag-kings lyonnais et parisiens. L’organisation derrière l’évènement est un chantier pharaonique. « L’avantage d’être un collectif, c’est d’avoir plusieurs cerveaux et des personnes avec différents skills (compétences, ndlr). On se partage le travail avec les autres bénévoles, mais la charge reste immense », explique Luse. Celui-ci a démarré l’organisation du derby depuis le mois de décembre avec toute la logistique et notamment l’appel aux bénévoles et photographes.