Neila Moore (nom d’emprunt) est aide-ménagère dans la vraie vie. Membre de la Team Moore qui lutte contre la pédocriminalité sur Internet depuis 2019, elle tente chaque jour d’intercepter des pédophiles. Ces quatre dernières années, son collectif et elle ont été à l’origine de 75 arrestations en France et dans plusieurs pays.
Il est très tôt le matin quand Neila agrippe son téléphone. Pour démasquer les pédophiles qui envahissent la toile, elle doit jouer un rôle : celui d’une enfant. Pour ne pas enfreindre la loi, Neila a une stratégie bien précise qui se base sur trois règles fondamentales. La première est de ne pas usurper l’identité d’un enfant.
Pour ce faire, Neila rajeunit sa photo de profil avec un filtre. La deuxième règle est de ne pas faire de premier pas vers le pédocriminel. « Si on le demande en ami ou qu’on engage la conversation, ce n’est pas bon car c’est considéré comme de la provocation », explique Neila. Et enfin la troisième règle : ne pas divulguer l’identité du pédocriminel car la loi française l’interdit.
Neila Moore explique pourquoi elle est une interceptrice de pédophiles et non une traqueuse.
Être dans la peau d’un enfant
Pour intercepter les pédocriminels, Neila Moore doit s’adapter au mode de vie d’un enfant. « Il faut que l’on soit connecté sur les réseaux aux mêmes horaires qu’un enfant. Je commence par me connecter le matin, comme si je devais partir à l’école après, explique l’interceptrice, puis je me connecte [de nouveau] le soir comme si je rentrais de l’école jusqu’à l’heure du coucher, sans oublier les mercredis après-midi », ajoute Neila Moore.
Une fois l’individu intercepté, le but pour Neila est d’obtenir le plus de preuves. « Dès que l’on (la Team Moore, ndlr) a assez d’éléments prouvant la culpabilité, on monte un dossier et on envoie tout au procureur. Et, ensuite c’est à lui que revient la décision d’enquêter ou non. En général, une enquête est ouverte après dépôt de dossier car dès qu’il voit « Team Moore », il sait que c’est du sérieux », indique Neila.
L’interceptrice de pédophiles donne son avis sur la justice en France concernant les affaires de pédophilie. Écoutez.
La Team Moore
Avant la création du collectif en 2019, pour Neila, l’élément déclencheur a été la découverte d’un reportage, celui du journaliste Serge Garde Zandvoort, le fichier de la honte. Comme une révélation pour elle, c’est aussi une réelle prise conscience de la gravité des actes. « Je me suis dit que ces actes ne pouvaient plus continuer aujourd’hui », exprime Neila.
Après de nombreuses recherches, elle explique alors qu’une de ses amies virtuelles lui envoie la page internet d’un lanceur d’alerte Steven Moore. Un Réunionnais qui dénonce les cybercriminels à travers un faux profil d’enfant. « C’est à partir de cela que l’histoire a commencé », ajoute la femme.
Aujourd’hui, la Team Moore a permis à d’autres personnes de créer des collectifs partout dans le monde qui se battent pour dénoncer ces cybercriminels. Il est d’ailleurs important de préciser que les membres de la team ne sont pas des « traqueurs ». Le terme approprié est celui d’ « intercepteurs », comme l’explique Neila. Pour elle, il est primordial de ne pas confondre ces deux termes afin de ne pas mettre les cybercriminels dans une position de victime face à un collectif qui les traque.
Un reportage de Vicky Lalevée et Aurore Bouchy