Non, vous ne rêvez pas, une piste de ski a bien existé dans le 5e arrondissement de Lyon, sur la colline de Fourvière. Nommée la piste de la Sarra, elle avait son propre télésiège, un éclairage nocturne et un chalet.
Bien qu’il soit difficile d’imaginer une piste de ski sur les hauteurs de Lyon, Louis Pradel a inauguré la piste de la Sarra en 1964. Mesurant 300 mètres de long et 30 mètres de large, la piste était constituée d’un tapis en fibres synthétiques bleues, en guise de neige. Avec une pente de 20 %, les Lyonnais n’avaient désormais plus besoin de se déplacer pour exercer ce fameux sport d’hiver.
Jean-Luc Chavent, conteur de rue, a connu cette piste et a pu l’expérimenter de nombreuses fois lorsqu’elle existait. Passionné par la ville de Lyon, il explique sa volonté de montrer cette ville sous un autre angle. « Cette ville m’a toujours passionné. Je fais visiter Lyon d’une manière différente car le côté insolite et interdit de cette ville m’intéresse énormément. C’est pour cela que la piste de la Sarra m’intrigue. »
L’ancien maire Louis Pradel à l’initiative de la piste
Demeurant à 280 mètres d’altitude, c’est Louis Pradel qui a imaginé cette piste. Par ailleurs, Tony Bertrand, l’adjoint aux Sports, « venait voir ses parents au magasin de ski, qui s’appelait Lyon Neige », explique le guide. Il racontait de nombreuses anecdotes à ses parents sur cette piste. « En 1962, le maire a appris qu’une piste de ski artificielle avait été installée sur le toit d’un magasin, à Paris. Sortant de l’hôtel de ville énervé, il souhaitait se balader avec son adjoint Tony. En se promenant, ils ont aperçu un grand pré à l’abandon. Le maire souhaitait faire une plus belle piste que celle de Paris. » Il a donc acheté le terrain et les travaux ont démarré.
Habitant depuis petit sur la colline de Fourvière, Jean-Luc Chavent a été témoin de la construction de cette piste.
Une piste pour les skieurs aguerris
Recouverte de fibres synthétiques bleues et vertes, il fallait être bon skieur car les chutes pouvaient être douloureuses. Le revêtement plastique s’est révélé, également, très abrasif pour les semelles des skis. « Il fallait les refaire après trois descentes ! C’est d’ailleurs mon père qui ressemelait (mettre une semelle à une chaussure, ndlr) les skis », s’exclame-t-il. Pour des raisons de sécurité, « il était conseillé d’avoir des skis sans quarts (dessous métallique du ski, ndlr) du et les gants étaient obligatoires », ajoute Jean-Luc.
Cette piste de ski artificielle a notamment attiré de nombreux skieurs renommés comme Jean-Claude Killy, Guy Périllat, les sœurs Goitschel et l’équipe de France.

Un succès mitigé
Comptant 270 000 entrées payantes par an, plus de deux millions de skieurs ont pris les remontées mécaniques entre 1964 et 1975. Mais selon le conteur de rue, « les gens venaient s’entraîner une fois avant la saison de ski mais après cela ne marchait pas. Succès mitigé, la grande majorité des Lyonnais préféraient skier sur de la vraie neige, qu’ils ont à disposition à une heure de la ville ».
Malgré un léger succès au départ, l’équilibre financier peinait à être tenu. Le tapis, servant pour la piste, s’usait rapidement. C’est alors qu’en 1973 un nouveau tapis, blanc comme neige, remplace le revêtement bleu.
La pratique de ski sur cette piste a provoqué de nombreux accidents, à tel point qu’en 1975, la Ville a décidé de la fermer, en attendant de trouver un matériau moins dangereux. Les chutes étaient bien plus douloureuses que sur de la neige. Elles causaient d’importants dégâts comme des fortes brûlures ou de nombreux doigts cassés en s’accrochant au tapis. « La piste est restée dans les mémoires. Tous se rappellent que les chutes faisaient très mal », explique le guide.
« J’ai arrêté d’utiliser la piste »
C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé pour Gérard Voisin, Lyonnais depuis sa naissance. Passionné de ski depuis sa tendre enfance, il a eu l’occasion de tester plusieurs fois la piste de la Sarra. Blessé plusieurs fois, il affirme que les chutes pouvaient être très douloureuses. « J’ai descendu la piste une bonne dizaine de fois. Je suis bon skieur, je suis tombé très rarement mais cela m’a suffi. Les chutes provoquaient des trous dans les pantalons de ski et brûlaient la peau. J’ai donc décidé d’arrêter d’utiliser la piste comme beaucoup de gens. »
Par manque de moyens, le projet est abandonné, laissant le pré à l’abandon. « Le maire avait prévu de faire de nombreuses rénovations, qui n’ont jamais été faites », ajoute Jean-Luc. C’est seulement en 1991 que la piste et les remontées mécaniques ont été entièrement démontées. « Le télésiège a été brûlé au chalumeau », raconte-t-il.
Une renaissance temporaire
Après la fermeture de la piste, plusieurs projets étaient prévus. Entre 2003 et 2004, le Comité de ski lyonnais et la société Skimania ont créé un partenariat avec la Ville de Lyon. L’opération, nommée « Station Lyon Neige », avait pour but de faire renaître ce site pendant un week-end. Elle a permis la récupération de 3 000 m3 de neige et la mise en place de deux fils-neige (tire-fesses pour les enfants, ndlr) pour remonter les skieurs. Une compétition de slalom a également été organisée.

Par ailleurs, un projet de tyrolienne était proposé. Elle partait du haut de Fourvière pour rejoindre la Croix-Rousse. « Cela n’a jamais été accepté par la sécurité », raconte Jean-Luc. En effet, les hélicoptères de la gendarmerie pouvaient percuter le fil de la tyrolienne. Un restaurant panoramique était également prévu, mais le projet n’a pas été accepté.
La piste de la Sarra est tout de même devenue, aujourd’hui, un parc d’accrobranche ainsi qu’une descente de VTT.